dimanche 7 novembre 2010

Le Meilleur Tchekhov


FRICASSÉE D’AUTOMNE

En ce pluvieux temps d’automne, je vous propose une fricassée de coups de cœur pour vous animer, pour vous divertir, pour vous allumer. C’est selon. D’abord mon grand coup de cœur du mois, celui que j’ai vécu chez Duceppe : la remarquable mise en scène de La Cerisaie, signée par Yves Desgagnés. J’ai vu la plupart des œuvres de Tchekhov et même quelques comédies qu’il a commises au Québec et en Europe. Ce qui me permet d’affirmer que Desgagnés a accompli l’exploit d’alléger, de dépoussiérer et d’actualiser sans dénaturer cette dernière pièce écrite par Tchekhov.

J’ai lu quelque part une très mauvaise critique du travail de Desgagnés dans je ne me souviens plus du journal et j’enrage de constater la mauvaise foi sûrement l’incompétence de cet auteur qui ne sait sûrement pas reconnaître les difficultés que propose Tchekhov. À vrai dire, on réussit rarement à bien jouer Tchekhov. Il y a de quoi se casser les dents. Je me souviens d’un monumental four au Rideau Vert il y a une dizaine d’année. D’un ennui mortel. Il n’y a que le théâtre de l’Opsis et évidemment Serge Denoncourt ainsi que Yves Desgagnés qui ont réussi à bien monter Tchekhov durant les dernières années.

La comédienne Andrée Lachapelle m’avait dit avant d’aborder le célèbre dramaturge russe : « Jouer du Tchekhov, c’est comme marcher sur des œufs, constamment». Et cette grade comédienne a beaucoup joué du Tchekhov. Beaucoup. Il y a dans les textes tant d’intentions, de passions, d’analyses, d’explosions et de détresse sans qu’il n’y paraisse. Imaginez le travail de l’acteur qui doit livrer le sous-texte. Et je pense évidemment à Gérard Poirier qui a magistralement rendu le personnage du vieux Firs. Jean Gascon a déjà interprété ce rôle. J’ai déjà vu une production belge de La Cerisaie où ce personnage était interprété par une marionnette géante que le marionnettiste laisse tomber à la fin du spectacle. Poirier a lui aussi, bien compris la décadence du personnage en traînant les pieds et tout son corps accablé.
J’ai beaucoup aimé aussi Pierre Colin en Pichtchik, ce russe fêtard, buveur, danseur ainsi que Normand D’Amour, férocement entrepreneur, magouilleur quasiment capitaliste dans cette Russie au bord de la révolution de 1907.

Le tableau de ce bouillonnement des idées est saisissant dans ce portrait de Tchekhov fort bien rendu par Desgagnés qui a réussi à se dégager de l’ennui dans une pièce qui traite de … l’ennui de la bourgeoisie et des profiteurs d’une autre époque.

Humour
Dans cette fricassée, il y en a aussi pour l’humour. Après Daniel Lemire, c’est du grand de stature, Martin Petit, dont il sera question. Je suis allé le voir à reculons et je ne l’ai pas regretté. Parce que la proposition de Petit est claire et sans ambiguïté. Il s’adresse à un jeune auditoire, parle de la vie, du cul, du couple, de sa taille, des excréments, de l’actualité et tout, tout. Tout. C’est assez loin du théâtre, j’en conviens. À vrai dire c’est du vrai stand-up comic et ça cartonne comme disent les Français. Il est tout ce que n’est pas Daniel Lemire, c’est à dire, vif, rapide, punché avec des blagues à l’emporte pièce. Le contenant est impressionnant. Le contenu, c’est beaucoup moins fort. Disons que ce n’est pas Guy Nantel…

Sylvie Drapeau
Très mauvaise nouvelle, le producteur et comédien Jean-Bernard Hébert m’apprenait que la comédienne Sylvie Drapeau n’interprétera pas, en fait elle n’interprétera plus le personnage de Édith Piaf dans la fameuse production Piaf présentée l’été dernier au Théâtre de Rougemont et actuellement en tournée au Québec. La consolation, c’est que Dominique Leduc, qui jouait le rôle de Momone, remplacera avec beaucoup de talent Sylvie qui est au grand repos pendant une période de six mois. Je crois que la grande comédienne est allée au bout de ses forces…

Gilles Dessureault
L’homme qui est derrière le succès de Belles-Sœurs, la comédie musicale qui a triomphé à Joliette l’été dernier, est de retour, à la direction d’un théâtre mais pas à Joliette. Celui que plusieurs considèrent comme l’un des meilleurs diffuseurs au Québec (et je suis l’un de ceux-là), Gilles Dessureault a séché pendant une bonne année avant qu’on ne lui fasse signe à Victoriaville. Regardez bien comment il va transformer le théâtre à Victo!

jeudi 7 octobre 2010

LEMIRE AU RALENTI


SÛREMENT PAS ÉGAL À LUI-MÊME

On s’étonnera peut-être de retrouver la critique du spectacle d’un humoriste à l’intérieur de ce blogue d’un Théâtre à cœur. Il n’y a pas méprise, je considère le spectacle de Daniel Lemire comme une prestation théâtrale, tenant compte qu’il s’agit d’une performance de comédien interprétant des personnages dans un décor, entouré d’autres comédiens. Pas étonnant de voir autant d’humoristes jouer dans des séries dramatiques parce qu’un spectacle d’humour est à mon avis une pièce de théâtre que l’artiste doit préparer comme s’il s’agissait d’une soirée de théâtre avec un texte solide, serré qu’il doit défendre pendant deux ou trois heures. J’ai un tas d’exemples en tête mais j’en retiens un qui illustre exactement ma pensée. Celui du magnifique Michel Boujenah, présenté régulièrement au Festival Juste pour rire à titre d’humoriste. Écoutez-le et dites-moi si c’est vraiment drôle à se rouler par terre. Mais non! on sourit, on se laisse entraîner par une histoire et on se berce dans la poésie de ses personnages. Vous voyez! La ligne est mince et en fait, elle n’existe pas. Stéphane Rousseau, Jean-Michel Anctil, Lise Dion, Yvon Deschamps et Clémence, Martin Matte : c’est du théâtre.

Daniel Lemire c’est aussi du théâtre. Je devrais dire que c’est surtout du théâtre. Il a commencé sa carrière avec des personnages. C’était au Club Soda et il jouait le rôle de Yvon Travaillé, un fonctionnaire borné et simplet vêtu d’un horrible complet à carreaux. Il a créé par la suite, une foule d’autres personnages qui ont toujours obtenu du succès. Je pense à son impayable crooner, à son guitariste drogué Roney, oncle Georges évidemment, ou cet ex-fumeur enragé qui n’avait pas vraiment d’identité et d’autres personnages occasionnels.

Daniel Lemire semble s’être lassé de tout ce petit monde qu’il avait créé sur scène et a fait bien d’autres choses que de faire rire pendant un certain temps, en écrivant beaucoup et en jouant même dans une série dramatique à la télé. Après presque dix ans d’absence, il est revenu sur les planches avec un nouveau spectacle qu’il présentera dans les grandes villes du Québec et à Montréal au Monument National. J’ai vu la première de ce spectacle dans ce Monumental National si chaleureux, si hospitalier. Il fallait qu’il le soit en ce grand soir de première avec autant de personnalités qui ont traversé un véritable déluge alors qu’une tempête sévissait sur Montréal. C’est donc trempé jusqu’aux os que j’ai vu Lemire présenter le pire spectacle de sa carrière. Et je les ai tous vus et tous aimés. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait sur scène. C’était lent, prévisible, lourd et Lemire me semblait tout à fait absent. Il a même laissé les deux comédiens qui l’entouraient, prendre à plusieurs reprises, plus de place que lui. Surtout dans le sketch de l’oncle Georges. Un sketch complètement raté à mon avis et qui pourtant ouvrait la porte à de nombreuses possibilités comiques. Imaginez! L’oncle Georges engagé comme clown chez les vieux. Il aurait pu chercher les vieux dans la salles, leur demander leur chèque de pension de vieillesse, les menacer physiquement (en référence aux mauvais traitements dans certaines maisons d’accueil). Mais non, ce sont les deux faux vieux que les comédiens interprètent qui se démènent pendant le numéro. Roney est toujours aussi vaporeux si je puis dire mais pas trop renouvelé. Un bon numéro sur la météo, peut-être le seul de la soirée à part la revue de l’actualité où le comédien se réchauffe et laisse entrevoir une belle soirée. Ce qui ne fut pas le cas et je le dis avec beaucoup de tristesse. Parce que j’aime beaucoup Daniel Lemire. Et remarquez bien une chose : on exige toujours plus des artistes qu’on aime. Daniel Lemire n’a jamais eu besoin de parler de cul, de sacrer, d’attaquer qui que ce soit pour amuser les foules. Il a gagné l’estime des gens et leur admiration par son talent. Il est de la lignée de Yvon Deschamps.Et à bien y penser, l’humour est un art si complexe, si fragile qu’il suffit de bien peu de choses pour tout changer. Dans ce cas-ci, un peu plus de vitesse, un peu moins de trac, un peu plus de présence et éliminer certains numéros comme celui qui se déroule dans le grand nord et qui n’a provoqué aucun rire dans la salle. C’est pour ça que je ne vous déconseille pas d’ignorer ce spectacle. Les comédies ne sont pas toujours réussies les soirs de première. Parfois, il faut y mettre un peu plus de temps. Je parierais que cette …œuvre théâtrale aura changé dans quelques semaines.

lundi 20 septembre 2010

De l'audace chez Duceppe



A PRÉSENT POUR COMMENCER L’ANNÉE

Le Théâtre à cœur c’est tout simplement le théâtre que j’aime, qui me tient à cœur et que je visite avec émotion. Le théâtre est à mon avis, une affaire de cœur. Je ne crois pas au théâtre cérébral, aux thèses défendues sur scènes, aux propos hermétiques, à la contemplation de soi et des autres, à l’auto-édification et aux manifestations du savoir. Je crois plutôt à l’universalité d’un théâtre de cœur qui vient nous chercher dans tout ce que nous sommes. C’est pour ça que c’est à grands coups de cœur que j’irai vivre et partager avec vous les grands moments du théâtre et c’est à contre-cœur que je vous inciterai à passer votre chemin dans certains cas et à aller voir ailleurs.

C’est avec un premier coup de cœur que je débute cette nouvelle saison avec À présent de Catherine-Anne Toupin, à l’affiche chez Duceppe jusqu’au 16 octobre. Je sais bien que cette pièce a déjà été encensée par la critique et qu’à peu près tout le monde en a dit le plus grand bien puisque ce prodigieux thriller a été créé à la Licorne en janvier 2008. Bon! Parfait pour les critiques et les gens du milieu. C’est maintenant au vrai monde que je m’adresse. À ceux qui vont rarement au théâtre et qui préfèrent les grandes salles et le confort d’une salle comme celui de la salle Maisonneuve où la compagnie Jean-Duceppe s’est installée. À présent est une pièce qui devrait rejoindre tous les publics parce que l’œuvre est difficile à étiqueter. Je parlais d’un thriller tantôt mais en réalité c’est plus que ça, c’est un grand voyage dans l’imaginaire, dans le temps et dans la conscience dans le but de trouver rien qu’une chose : la vérité. Et la vérité, ce n’est pas ce que l’on pense.

Aussi bien vous dire tout de suite que le spectacle est déroutant. Deux couples se croisent dans un building. Catherine-Anne Toupin qui interprète également le rôle principal (Alice) dans cette pièce, forme un couple fragile avec David Savard (Benoît). Tout près d’eux, Monique Miller (Juliette) et François Tassé (Gilles) forment un couple beaucoup plus détendu, plus libre et surtout plus leste. Ce vieux couple partage encore leur appartement avec leur fils de 35 ans (François) interprété par Éric Bernier. Quand tous ces personnages se rencontrent lors d’une soirée chez Alice et Benoît, il y a de l’électricité dans l’air…Je dirais même un peu plus que ça. Disons de la sensualité qui coule rapidement dans un abîme de perversions. Personne n’appartient à personne et tous les goûts sont permis. Attention! On ne parle pas de porno et de scènes croustillantes ici. Non! on saute tout simplement les clôtures et les couples changent de partenaires, changent d’identité dirait-on et le désir semble dominer tous les autres sentiments. Il n’y a plus de règles, il n’y a pas de violence, il n’y a plus de morale qui tienne et on cherche la logique de l’histoire et des personnages. Il n’y en a plus.

Les comédiens sont merveilleux alors qu’ils jouent constamment sur une corde raide. Ils se tiennent debout en évoluant sur le fantasme que l’on soupçonne et la réalité…que l’on soupçonne également. On ne sait plus sur quel tableau cette pièce se joue et c’est sur le bout de son siège qu’on assiste à ce dénouement imprévisible et tout aussi déroutant.

C’est à voir non seulement pour la qualité du spectacle mais pour apprendre à vous connaître et surtout à connaître la ou les personnes qui vous accompagnent.
RÉSERVATIONS : 514-842-2112 OU 1 800 842 2112.
Note : Si vous avez moins de 40 ans, vous payez le prix qui correspond à votre âge (minimum de 20 ans)

mercredi 25 août 2010

Le premier choix de l'été: Belles-Soeurs


Il faut les voir, les entendre pour le croire.

Je voudrais clore cette tournée des théâtres en été avec ce que j’ai vu de mieux. Plus précisément, mon meilleur des meilleurs en été, mon best of : le théâtre musical Belles-Sœurs d’après Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, livret, paroles et mise en scène de René Richard Cyr avec la fascinante musique de Daniel Bélanger.

On regarde ce spectacle présenté à la salle Rolland-Brunelle à Joliette, avec stupéfaction pendant un bon moment avant de prendre du recul et tenter d’en faire la critique. Peine perdue, j’abandonne. Pas question de gâter mon plaisir et de m’efforcer de réduire l’œuvre et de la décortiquer bêtement parce que l’ensemble est éblouissant. Et pourtant j’ai un tas de versions des Belles-Sœurs dont l’une présentée à Stratford, en anglais s’il vous plaît et une digne Ontarienne pleurait tout près de moi pendant le fameux monologue de cette pauvre belle-sœur qui découvrait le plaisir des cabarets à 50 ans. Cette pièce qui a été snobée par bon nombre d’intellectuels à sa création au Rideau Vert dans les années 60, a fait le tour du monde par la suite. On a fini par comprendre que chaque peuple parle joual sur la planète et que Les Belles-Sœurs touchait l’âme et la misère du peuple et de tous les peuples.

Il faut croire que ce chef-d’œuvre de Michel Tremblay ne quittera pas la scène de sitôt puisque le théâtre musical qu’en a fait le comédien et metteur en scène René Richard Cyr, relance ces fameuses belles-sœurs sur la voie de la musique. Et personne n’aurait parié que ce nouveau ménage soit parfait. Le musicien Daniel Bélanger a compris, senti les personnages de la pièce comme s’il était comédien. Il s’est glissé dans tous les personnages et en a tiré de la musique.

Et que dire des comédiennes qui interprètent les compositions de Bélanger? Je n’ai jamais entendu un comédien ou une comédienne mal chanter au Québec. Dans ce cas-ci, on entend les voix exceptionnelles de Maude Guérin, Monique Richard, Sylvie Ferlatte et la surprenante Guylaine Tremblay qui maîtrise la chanson comme si elle faisait son métier en ajoutant Marie-Thérèse Fortin, Christiane Proulx et toutes les autres finalement.

Difficile à décrire le décor alors que l’action se déroule dans une cuisine qui se transforme continuellement. On assiste à des effets visuels à couper le souffle. Et puis, il n’y a jamais de longueurs, jamais de banalités, jamais de cabotinages dans cet étonnant spectacle. Tout est réglé au quart de tour par René Richard Cyr qui a créé une oeuvre mémorable. On retrouve Les Belles-Sœurs que l’on connaît avec l’histoire du million de coupons qu’elles collent dans la cuisine de Germaine Lauzon avec rage et jalousie mais Belles-Sœurs est un spectacle avec une autre énergie, une autre sensibilité et la magie de la musique qui lui donne une autre vie.

C’est évidemment mon premier choix de l’été. Piaf, à cause de la magistrale performance de Sylvie Drapeau, suit de près en deuxième position. En troisième position, j’en surprendrai quelques uns avec le choix de Mars et Vénus. Une mention honorable à Visite libre et à Michel Charrette qui entreprendra une tournée avec cette pièce dans tout le Québec jusqu’en mars prochain. Belles-Sœurs fera aussi une longue tournée qui n’en finira pas, vous verrez bien.

Merci à tous ceux qui ont eu l’élégance et la politesse de m’inviter cet été. Vous m’avez prouvé qu’il y a autant de talents que de générosité dans les théâtres des régions du Québec. Merci d’avoir pris l’habitude de me lire. Ce que je considère comme un honneur. Pour moi, l’expérience a été enrichissante, je dirais même nécessaire et je vais la poursuivre, toujours en quête de théâtre. Une passion dont on ne peut se défaire. Et c’est la grâce que je vous souhaite.

jeudi 19 août 2010

Du théâtre essouflé à l'Assomption



UNE SACRÉE FAMILLE… ENNUYANTE

Dommage que ça ne lève pas au Théâtre Hector-Charland. Dommage pour les comédiens qui ont si peu de matière à jouer, à défendre. Sacré famille, une comédie du Canadien Carl Ritchie a vieilli bien vite et ne suscite auprès du public québécois bien peu d’intérêt si j’en juge par la réaction des gens que j’ai vus dans la salle. Un homme aux idées obtus pour ne pas dire un étroit d’esprit qui est répudié par sa femme parce qu’il l’a trompée et qui par la suite, n’accepte pas l’homosexualité de son fils, me semble au départ assez confondant.On est de droite ou on ne l’est pas. On est vertueux ou on ne l’est pas. J’aurais toujours pu apprécier les échanges sur le sujet dans le cadres des dialogues de la pièce mais ils étaient tellement creux, fades, insignifiants et tissés de clichés qu’il y avait lieu de dormir. Ce que je fus tenté de faire à plusieurs reprises.

Tout allait de travers dans cette pièce en commençant par la distribution des comédiens. Jici Lauzon n’a pas la carrure ni l’autorité sur scène pour interpréter le père réactionnaire. C’est un rôle qui demande du coffre, du poids, de l’expérience. Lauzon n’est pas un mauvais comédien mais il n’a pas encore l’étoffe pour traîner tout un spectacle sur son dos. Nathalie Gascon, au contraire, a trop d’étoffe pour se contenter du rôle assez passif de la mère. Beau gaspillage. Luc Chapedelaine prend tranquillement du gallon et joue sympathiquement, sans plus. Stéphanie Crête-Blais, Benoît Langlais et Jean-François Beaupré jouent avec enthousiasme avec un talent prometteur mais personne n’a participé à un spectacle qui fera époque.

C’est dommage aussi pour l’Assomption et ce merveilleux Théâtre Hector-Charland, l’une de mes destinations préférées en été. C’est un théâtre qui a fortement encouragé l’artisanat local durant les dernières années et Dieu sait qu’il y a de la création à l’Assomption. Les restos, les boutiques, les cafés, les spectacles musicaux sont extrêmement attirants dans cette ville qui abrite le prestigieux Collège de l’Assomption. C’est justement là qu’on présente à chaque année, Les Rendez-vous amoureux, des spectacles-lectures des plus grandes oeuvres du théâtre de répertoire avec des comédiens du calibre de Béatrice Picard, Sophie Faucher, Pierre Chagnon et Yves Corbeil pour ne nommer que ceux-là. J’y est passé de magnifiques soirées au clair de lune, au préau du Collège de l’Assomption. Je sais bien que les dernières lectures ont eu lieu en juillet dernier mais pensez-y pour l’année prochaine et prévoyez y retourner à quelques reprises. Parce qu’il y a toute une ville, toute une région à découvrir. On y fabrique même du vin, de l’excellent vin près de l’Île Ronde, si je me souviens bien. En somme, un site qui mériterait bien du théâtre d’envergure. C’est ce que je nous souhaite pour l’an prochain et qu’on nous ramène Nathalie Gascon qui n’est jamais aussi épanouie qu’à l’Assomption.

jeudi 12 août 2010

Les succès de Philippe Riopelle

Drôle de mariage à Sainte-Adèle

Il fut un temps où il y avait du théâtre tous les étés au Chanteclerc à Sainte-Adèle. C’était même l’un des premiers théâtres d’été fondé par Jacques Normand dans les années 50. C’est le comédien et metteur en scène Louis Lalande qui a été le dernier à diriger ce théâtre avec beaucoup de succès d’ailleurs. Il fut un temps où les artistes, artisans, politiciens et même de riches Américains venaient faire la fête à Sainte-Adèle. C’était un lieu de rendez-vous où l’on retrouvait de grandes personnalités dans les bars, restaurants, pentes de ski ou ateliers des peinture, céramique et boîtes à chansons. Les temps ont changé et Sainte-Adèle est une ville toute aussi charmante mais plus tranquille qu’avant. Certains voyageurs ont préféré le Mont-Tremblant, Saint-Sauveur et plusieurs producteurs et entrepreneurs ont suivi. D’autres sont demeurés sur place. C’est le cas de Philippe Riopelle, un homme d’affaires qui s’est imposé à l’époque des belles années de l’Expo 67 et de Terre des Hommes alors qu’il gérait une douzaine de restaurants et qui s’est intéressé par la suite aux théâtres d’été. On connaît le Théâtre Sainte-Adèle et le Théâtre Saint-Sauveur mais on connaît moins l’homme qui est propriétaire de ces deux théâtres et qui, année après année, fait souvent salle comble dans ces deux théâtres : Philippe Riopelle complètement converti au théâtre. L’homme a toujours travaillé dans l’ombre et n’a jamais reçu la reconnaissance qu’il méritait.

Cette année, il présente deux pièces qui sont adorées du grand public : Les fantasmes de mon mari au Théâtre Saint-Sauveur avec Louison Danis, Roger Léger, Claude Prégent, Vincent Bilodeau et Sylvie Boucher et Vive la mariée avec l’adorable France Castel, le versatile Normand Lévesque et les jeunes Guillaume Champoux, Virginie Morin et Caroline Bouchard. C’est à Sainte-Adèle que j’affectionne particulièrement, que je me suis rendu pour assister à une représentation de Vive la mariée. La pièce est drôle, les comédiens chantent fort bien et particulièrement France Castel, on s’en doute bien (j’aimerais aussi entendre Lévesque chanter plus souvent. C’est un remarquable ténor). Revenons au théâtre pour vous faire part d’un vaudeville qui a fortement amusé la salle pleine à craquer et qui se situe dans la tradition du Théâtre Sainte-Adèle. Ce théâtre présente habituellement des comédies qui tournent autour de la famille et d’excellents numéros d’acteur. Je pense entre autres à Michel Forget surtout, à Pierre Collin, Guy Jodoin, Nicole Leblanc, Ghyslain Tremblay et bien d’autres qui ont déjà joué dans cette ancienne chapelle.

Je n’ai pas vu Les fantasmes de mon mari à Saint-Sauveur. On affichait complet et pas de place, même pour les journalistes ce soir-là. Pas grave, je préférais Sainte-Adèle. Je pense avoir vu une quinzaine de comédies à Saint-Sauveur et je pourrais jurer que c’est un spectacle de qualité avec de nombreux rebondissements, de somptueux décors et toujours une bonne distribution. La salle est plus grande qu’à Sainte-Adèle. La scène également et le public est fidèle.

Cette fidélité, on la doit à Philippe Riopelle qui pense d’abord au grand public. C’est ce qui explique son succès. Cette homme-là a vécu dans le monde de la restauration pendant longtemps avant de se lancer dans l’aventure du théâtre. Ce n’est pas un intellectuel formé dans les grandes écoles de théâtre de Paris. Non! C’est un homme de terrain, un entrepreneur, qui prépare des repas simples, soignés, peu coûteux, rapidement servis avant la représentation théâtrale et qui propose par la suite un style de théâtre que les gens aiment. Et dans cette industrie du théâtre privé, c’est fort défendable. Il a payé Claude Michaud très cher pour jouer dans son théâtre et l’entreprise fut rentable pendant plusieurs années parce que Michaud remplissait les salles.On pourrait croire que Philippe Riopelle s’est toujours assis sur son succès et n’a pas vraiment innové à Sainte-Adèle. Détrompez-vous! Ce colosse de 69 ans et toujours en santé, a déjà voulu construire une tour à Sainte-Adèle, à l’intérieur de laquelle devait se loger une salle de théâtre et de musique de 2 000 places, en plus d’un restaurant et d’un hôtel. Il avait également songé à installer un sentier pédestre autour de l’édifice. Il avait déjà acheté le terrain et avait sollicité l’aide des différents paliers de gouvernement pour mettre en marche son projet qui devait nécessiter un investissement d’une dizaine de millions, si je me souviens bien. J’avais annoncé ce fabuleux projet dans La Presse, à l’époque. L’histoire est longue à raconter mais je retiens que certains citoyens n’ont pas soutenu ce projet et ont mené une cabale contre la Tour de Sainte-Adèle, qui aurait relancé la ville. Moi qui suis amoureux de cette ville, je ne comprends pas encore et j’en éprouve une grande tristesse

vendredi 6 août 2010

Du théâtre réinventé en été, ça existe aussi

UN BIJOU CACHÉ À BLAINVILLE

Fidèle à ses habitudes, le Petit Théâtre du Nord présente au Centre Communautaire de Blainville, une création, du théâtre réinventé, du comédie intelligente avec des comédiens qui font partie de cette remarquable aventure théâtrale depuis la fondation de ce théâtre en 1998. Le Petit Théâtre du Nord, c’est le théâtre que devraient visiter tous ceux qui ont une forte propension à mépriser globalement tout ce qui joue au théâtre en été. Tous ces pontifes de la culture bien assis sur leurs subventions qui se sont bousculés pour aller rire du burlesque, de la misère des comédiens et du théâtre d’été dans son ensemble en allant voir Les Cabotins, au cinéma. Je ne boude pas cet excellent film qui, détail souvent oublié, nous ramène à une autre époque. Peu importe, l’image de kétainerie colle comme un tache de graisse à l’esprit trop obtus de certains festivaliers de fin de semaine.

Tout ça pour vous dire qu’on se démène depuis un dizaine d’années au Petit Théâtre du Nord pour présenter du théâtre de qualité, en innovant, en déroutant et en osant défier des styles, des classiques, des traditions et même certains monuments du théâtre et du cinéma. Cette année, on tourne autour de La Mélodie du Bonheur qui obtient un succès fou à Montréal, dans le cadre du Festival Juste pour rire. C’est pourquoi on a titré cette inquiétante comédie, Mélodie Dépanneur de Mathieu Gosselin. Non, il n’y a pas d’enfants, ni d’Allemands nazis, ni un couvent de bonnes sœurs mais il y a beaucoup de chansons interprétées par les quatre comédiens. De jolies chansons d’ailleurs toutes inédites. Mais c’est le propos qui est délicieusement déroutant.

Une jeune homme reçoit un dépanneur familial en héritage et n’a aucunement l’intention de l’exploiter. Il songe à fermer boutique ou à le vendre. Mais deux jumelles qui ne se ressemblent pas mais qui parlent toujours en même temps, Poupée et Princesse et Kangourou, l’homme qui vient chercher sa bière tous les matins avant de prendre son déjeuner ne l’entendent pas ainsi. Ils veulent conserver cet endroit mythique. On s’enfonce dans un monde trouble lorsque les personnages chantent sans en prendre conscience. Lorsque les chants s’élèvent, la porte s’ouvre et c’est comme si on vivait dans un autre monde. Celui du sous-sol où la culture orientale émane. Une étrange histoire de l’ancien propriétaire du dépanneur et père de Paul, le jeune homme qui veut tout vendre pour se libérer de vieux souvenirs. Il lui faudra une séance d’hypnotisme pour revivre le drame de son enfance. Drame que je ne vous raconterai pas, entre gens de théâtres, cela va de soi.

En somme, une proposition originale, parfois légère, un soupçon de parodie mais toujours intéressante et tout à fait charmante. Excellent jeu des comédiens Luc Bourgeois, Sébastien Gauthier, Louise Cardinal, Mélanie Saint-Laurent, une mise en scène brillante de Benoît Vermeulen qui était tout-à-fait indiqué pour ce voyage dans l’imaginaire de l’enfance et une mention spéciale pour la scénographie de Nathalie Trépanier qui a réussi un véritable exploit. Imaginez qu’elle a réussi à créer une ambiance orientale en construisant des animaux à partir de produits qu’on trouver dans un dépanneur. Par exemple : les griffes du lion sont fabriqués à partir d’un flacon de savon à vaisselle. Les feuillages d’un oiseau avec des sacs de croustilles si je me souviens bien. Un décor prodigieux, je vous jure.

Du théâtre différent tout comme Piaf peut l’être à Rougemont, Les Belles-Sœurs à Joliette, Mars et Vénus à Laval et quelques boulevards qu’on aime bien voir en été. Et tout ça présenté dans de grandes salles spacieuses et modernes. Rappelons à notre élite culturelle, qu’il est loin le temps des granges et des défilés d’autobus.