dimanche 6 mars 2011

Chez Duceppe - Éloge de la différence

Avant de vous dire tout le bien que je pense du jeu et de la mise en scène de la pièce Elling encore à l’affiche chez Duceppe jusqu’au 26 mars si je me souviens bien, j’aimerais revenir sur Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard. Lorsqu’est venu le temps de faire la critique de cette pièce, j’ai passé mon tour parce que je n’ai pas eu le fameux coup de cœur pour cette pièce. Pourtant je n’ai pas détesté. Je ne me suis même pas ennuyé et le travail du metteur en scène Claude Poissant était soigné tout comme l’écriture de Michel Marc Bouchard. Et pourtant, pas de coup de cœur et pas vraiment envie d’en parler. J’ai hésité longtemps. Sûrement trop. J’ai eu la curieuse impression d’avoir vieilli tout comme Bouchard que j’estime beaucoup d’ailleurs L’impression de déjà vu, déjà senti. Et j’aurais fait une vieille critique, déjà vue, déjà sentie, moi aussi. Mais ne vous trompez pas, Bouchard a du génie quelque part et je considère Les Muses orphelines comme sa plus grande œuvre. Immense. Une œuvre qui dépasse sûrement Tom à la ferme.

Elling, c’est une autre histoire, une autre aventure qui nous amène dans un monde complètement déstabilisant. On dirait un monde de fous mais pas tout à fait, pas complètement. Lorsqu’on entre dans le jeu, on s’interroge sur nos propres comportements ou celui des gens que l’on connaît. Le doute s’installe. Qui sont les véritables fous? Il n’y a plus de certitude quand on se penche sur les manies et obsessions de bien des gens que la société considère normaux.

Cette pièce de Norvégiens Axel Helistenius et Peter Naess, inspirée d’un roman d’Ingvar Ambjornsen, nous fait vivre le quotidien de Elling et Eric , deux être confus qui végètent dans un asile d’aliénés depuis plusieurs années. On leur offre subitement la possibilité de devenir normaux en leur attribuant un appartement en ville. Ils doivent donc affronter le monde extérieur après toutes ces années de réclusion.

C’est tordant, touchant, émouvant et déstabilisant. Tout ça à la fois. Une pièce si simple, si naïve, si minimaliste qu’elle devient troublante, inquiétante. On rit beaucoup parce que cette pièce a toutes les apparences d’une comédie mais elle interroge subtilement la nature humaine, dénonce les préjugés et condamne les apparences.

J’ai adoré cette œuvre théâtrale jusqu’à la fin ou presque. Le jeu de Guy Jodoin qui interprète Elling vaut le déplacement et en fait d’après moi, le meilleur comédien de la saison. Stéphane Bellavance en étonnera plusieurs avec la finesse de son jeu dans la peau du personnage pur et nature d’Éric. Monique Duceppe a signé selon moi sa meilleure mise en scène.

Ma seule réserve tient à ce dénouement bâclé, expéditif imaginé par les auteurs qui ont sans doute songé à faire de cette œuvre une comédie musicale avec le traditionnel happy ending. Après toute la subtilité des propos, du cheminement des personnages et de la poésie de l’univers de ces êtres perdus et inadaptés, voilà qu’on les banalise bêtement dans le bonheur de vivre et dans la triste normalité.

Mais c’est à voir. Un vrai coup de cœur malgré tout!

Bruno Coppens

Cet enfant de Sol et aussi de Devos, ce magicien des mots achève ou termine sa tournée au Québec. Il aura passé trop vite à mon avis et plusieurs de mes connaissances ont raté un bon spectacle qui s’intitulait Ma terre happy. Vous voyez le genre. Il reviendra, ne craignez pas et je pense qu’il sera encore meilleur, encore plus complet. Je dis ça parce qu’il a beaucoup changé depuis ses débuts dans l’ombre justement des Devos et Sol. Depuis que ces deux grands personnages ne sont plus là, Coppens a pris de la place. Comme s’il les avait intégrés à sa propre magie et à sa nouvelle stature. Il est maintenant le seul à jongler sur un fil de fer et à porter sur ses épaules, tout là-haut, les mots de la langue française.

Et sur ces nuages… à la prochaine et faites-moi signe.