dimanche 6 mars 2011

Chez Duceppe - Éloge de la différence

Avant de vous dire tout le bien que je pense du jeu et de la mise en scène de la pièce Elling encore à l’affiche chez Duceppe jusqu’au 26 mars si je me souviens bien, j’aimerais revenir sur Tom à la ferme de Michel Marc Bouchard. Lorsqu’est venu le temps de faire la critique de cette pièce, j’ai passé mon tour parce que je n’ai pas eu le fameux coup de cœur pour cette pièce. Pourtant je n’ai pas détesté. Je ne me suis même pas ennuyé et le travail du metteur en scène Claude Poissant était soigné tout comme l’écriture de Michel Marc Bouchard. Et pourtant, pas de coup de cœur et pas vraiment envie d’en parler. J’ai hésité longtemps. Sûrement trop. J’ai eu la curieuse impression d’avoir vieilli tout comme Bouchard que j’estime beaucoup d’ailleurs L’impression de déjà vu, déjà senti. Et j’aurais fait une vieille critique, déjà vue, déjà sentie, moi aussi. Mais ne vous trompez pas, Bouchard a du génie quelque part et je considère Les Muses orphelines comme sa plus grande œuvre. Immense. Une œuvre qui dépasse sûrement Tom à la ferme.

Elling, c’est une autre histoire, une autre aventure qui nous amène dans un monde complètement déstabilisant. On dirait un monde de fous mais pas tout à fait, pas complètement. Lorsqu’on entre dans le jeu, on s’interroge sur nos propres comportements ou celui des gens que l’on connaît. Le doute s’installe. Qui sont les véritables fous? Il n’y a plus de certitude quand on se penche sur les manies et obsessions de bien des gens que la société considère normaux.

Cette pièce de Norvégiens Axel Helistenius et Peter Naess, inspirée d’un roman d’Ingvar Ambjornsen, nous fait vivre le quotidien de Elling et Eric , deux être confus qui végètent dans un asile d’aliénés depuis plusieurs années. On leur offre subitement la possibilité de devenir normaux en leur attribuant un appartement en ville. Ils doivent donc affronter le monde extérieur après toutes ces années de réclusion.

C’est tordant, touchant, émouvant et déstabilisant. Tout ça à la fois. Une pièce si simple, si naïve, si minimaliste qu’elle devient troublante, inquiétante. On rit beaucoup parce que cette pièce a toutes les apparences d’une comédie mais elle interroge subtilement la nature humaine, dénonce les préjugés et condamne les apparences.

J’ai adoré cette œuvre théâtrale jusqu’à la fin ou presque. Le jeu de Guy Jodoin qui interprète Elling vaut le déplacement et en fait d’après moi, le meilleur comédien de la saison. Stéphane Bellavance en étonnera plusieurs avec la finesse de son jeu dans la peau du personnage pur et nature d’Éric. Monique Duceppe a signé selon moi sa meilleure mise en scène.

Ma seule réserve tient à ce dénouement bâclé, expéditif imaginé par les auteurs qui ont sans doute songé à faire de cette œuvre une comédie musicale avec le traditionnel happy ending. Après toute la subtilité des propos, du cheminement des personnages et de la poésie de l’univers de ces êtres perdus et inadaptés, voilà qu’on les banalise bêtement dans le bonheur de vivre et dans la triste normalité.

Mais c’est à voir. Un vrai coup de cœur malgré tout!

Bruno Coppens

Cet enfant de Sol et aussi de Devos, ce magicien des mots achève ou termine sa tournée au Québec. Il aura passé trop vite à mon avis et plusieurs de mes connaissances ont raté un bon spectacle qui s’intitulait Ma terre happy. Vous voyez le genre. Il reviendra, ne craignez pas et je pense qu’il sera encore meilleur, encore plus complet. Je dis ça parce qu’il a beaucoup changé depuis ses débuts dans l’ombre justement des Devos et Sol. Depuis que ces deux grands personnages ne sont plus là, Coppens a pris de la place. Comme s’il les avait intégrés à sa propre magie et à sa nouvelle stature. Il est maintenant le seul à jongler sur un fil de fer et à porter sur ses épaules, tout là-haut, les mots de la langue française.

Et sur ces nuages… à la prochaine et faites-moi signe.

lundi 3 janvier 2011

Une bio, une comédie et un théâtre d'été pour débuter l'année

Bonne année et je vous souhaite le meilleur des mondes en 2011.

La précieuse biographie de Janine Sutto

Qu’on me pardonne d’abord ce trop long silence sur ce blogue qui s’explique par un mémorable voyage dans les îles du Pacifique, des activités personnelles et professionnelles particulièrement exigeantes ces mois-ci et puis…on ne m’invite pas dans tous les théâtres à Montréal. Mettons qu’on se faisait plus empressé quand j’étais critique de théâtre à La Presse. Ceci dit sans amertume évidemment, je suis trop occupé à dévorer ma nouvelle vie actuellement.
Revenons à mes coups de cœur. Plus précisément à deux coups de cœur et à un coup au cœur que je vous expliquerai un peu plus loin.

Mon grand coup de cœur du dernier mois a sûrement été la publication du livre écrit par Jean-François Lépine et publié chez Libre Expression, intitulé Janine Sutto Vivre avec le destin. Malgré tout le bien que j’en pense, permettez-moi de rechigner quelque peu sur le titre de cette publication qui à mon sens ne veut rien dire. J’aurais tellement préféré qu’on fasse référence à l’histoire du théâtre au Québec à laquelle madame Sutto a toujours été associée ou encore à la vérité d’une femme qui s’est livrée avec tellement de courage dans cette biographie signée par son beau-fils, ne l’oublions pas.

J’ai dévoré ce livre de 392 pages qui m’a appris plein de choses sur le théâtre d’ici et sur madame Sutto que je croyais pourtant bien connaître. Même si l’ouvrage n’est pas écrit par un biographe d’expérience, je me dois de reconnaître à Jean-François Lépine, un style direct et surtout le grand soin qu’il a pris d’éviter la complaisance. Il n’a jamais attaqué qui que ce soit dans ce bouquin mais il n’a ménagé personne. Attitude d’autant plus remarquable qu’il traite surtout d’un membre de sa famille, de ses problèmes avec les hommes, avec l’alcool et avec l’argent. Un curieux mélange de respect et de vérité crue dans ce volume.

Le travail de Lépine a été sérieux, trop sérieux diront certains mais comment ne pas apprécier le travail d’un journaliste de la télévision qui relate des dates, des témoignages pertinents et jamais de jugements dans sa démarche pour raconter une si longue, si riche et si passionnante vie qu’a été celle de Janine Sutto et qui vira encore longtemps vous verrez bien.

Mais il n’y a pas qu’elle dans cette biographie. Il y a tous ceux qui l’ont entourée, aimée Je pense à Pierre Dagenais, un homme de théâtre d’une qualité exceptionnelle que l’ont a trop vite oublié. Il y a aussi Henry Deyglun, le père de sa fille Mireille qui a écrit de mémorables radio-romans. Il y a eu aussi un certain monsieur D qui aurait été l’amour de sa vie. Et puis, elle était là, la jeune Janine dans les années 50 pour assister à l’ouverture de nombreux théâtres à Montréal dont le Théâtre du Nouveau Monde, la Théâtre du Rideau Vert et la fondation de l’Équipe. Elle a participé de plus à la création du théâtre à la télévision et elle a joué et joué partout. Même avec Gilles Latulippe à la télévision et dans son Théâtre des Variétés. C’est tout notre théâtre qui y passe dans ce livre. Courez vous le procurer. Il est actuellement dans la liste des best-sellers et c’est bien le moindre hommage à lui rendre.

Minuit chrétien décapant
La dernière pièce que j’ai vue cette année a été Minuit chrétien présentée chez Duceppe et écrit par le dramaturge français Tilly. René Richard Cyr a si bien adapté et signé la mise en scène de cette comédie grinchante, qu’on pourrait jurer qu’elle a été écrite par un Québécois et que l’action se déroule au Québec. On a critiqué un peu rapidement cette production et un peu facilement aussi. On a peut-être oublié qu’il s’agit d’une comédie du temps des fêtes qui a rapidement trouvé son public.

On ne pouvait trouvé meilleure pièce avant ou après les partys de famille de cette période de l’année. Tout le monde s’y retrouvera dans portrait des familles où les apparences sont habituellement trompeuses. Il suffit de quelques verres pour que la vérité éclate. Dans ce cas-ci, elle explose et éclabousse la plupart des invités.

On pourrait même croire que les gens profitent des réunions familiales de Noël surtout pour régler leurs comptes avec le beau-frère qu’ils n’aiment pas ou la mère ou le père à qui, ils ont des choses à reprocher. Admettons que nous sommes loin des Noël de notre enfance.

La distribution de ce spectacle est remarquable et sûrement responsable du succès auprès du grand public que le théâtre de Jean-Duceppe obtiendra jusqu’au 5 février. Michèle Deslauriers, Adèle Reinhardt, Gilles Renaud, Yves Amyot et Bobby Beshro, entre autres, y sont particulièrement attachants. Allez-y pour le rire et pour réfléchir sur vos Niel.


La Marjolaine
Le dernier élément de mon propos n’est pas un coup de cœur mais un coup au cœur. Et c’est triste pour le théâtre en été au Québec. J’ai de beaux souvenir du Théâtre de la Marjolaine et voilà qu’on annonce qu’il ne sera plus là. En fait, il sera là mais ce ne sera plus un théâtre. Un centre culturel si j’ai bien compris.

Je me souviens de nombreuses rencontres avec la fondatrice de ce théâtre, Marjolaine Hébert qui courageusement y présentait des comédies musicales de Claude Léveillée notamment, des spectacles musicaux avec Diane Dufresne et Robert Charlebois à la boîte à chansons Le chat gris après le théâtre. Je me souviens de la vente du théâtre à Jean-Bernard Hébert qui avait autant de courage que madame Hébert et qui a bien failli y laisser sa chemise parce que le Théâtre de la Marjolaine ne dispose pas assez de places pour être rentable.

Auparavant la boîte à chansons doté d’un permis d’alcool et le restaurant pouvaient supporter financièrement le théâtre mais la loi a changé, on ne risque plus de boire maintenant avant de conduire sur les routes du Québec. Et il a bien fallu fermer la boîte à chansons. C’est l’une des raisons qui explique les difficultés du Théâtre de la Marjolaine mais il y en beaucoup d’autres. D’abord les rénovations qui ont été insuffisantes et qui, admettons-le, était de plus en plus coûteuses. Avec le temps, d’autres théâtres d’été ont poussé comme des champignons au Québec et on a assisté également à l’éclosion des festivals à Montréal et dans les régions. Le Théâtre de la Marjolaine était le plus vieux théâtre d’été professionnel au Québec et il méritait un meilleur sort. Marc-André Coallier a eu lui aussi le courage de tenter de relancer ce théâtre, il y a quelques années mais j’aurais bien dû lui dire avant qu’il ne devienne propriétaire, qu’il s’attaquait à une mission impossible.

Je vous raconte tout ça parce que je n’ai pas aimé entendre récemment que le théâtre d’été avait connu une mauvaise saison durant la dernière année et que cette activité culturelle était en péril. Et on donnait l’exemple du Théâtre de la Marjolaine et de quelques autres théâtres qui avaient accusé une baisse d’affluence. Un lien par trop simpliste à mon avis. Il a habituellement beaucoup d’autres explications pour les baisses de fréquentation. D’abord les mauvaises pièces aux mauvais endroits, les comédies dépassées, la mauvaise administration de certains théâtres, l'absence de publicité….mais sûrement pas le manque d’intérêt de la population. Parlez-en aux administrateurs d’un certain théâtre de Joliette qui ont présenté la version musicale des Belles-Sœurs à guichets fermés et è Michel Charrette qui a triomphé tout l’été à Beloeil avec la pièce Visite libre. C’est la passion qui fait vivre le théâtre au Québec et c’est cette passion que je vous souhaite pour cette nouvelle année.

dimanche 7 novembre 2010

Le Meilleur Tchekhov


FRICASSÉE D’AUTOMNE

En ce pluvieux temps d’automne, je vous propose une fricassée de coups de cœur pour vous animer, pour vous divertir, pour vous allumer. C’est selon. D’abord mon grand coup de cœur du mois, celui que j’ai vécu chez Duceppe : la remarquable mise en scène de La Cerisaie, signée par Yves Desgagnés. J’ai vu la plupart des œuvres de Tchekhov et même quelques comédies qu’il a commises au Québec et en Europe. Ce qui me permet d’affirmer que Desgagnés a accompli l’exploit d’alléger, de dépoussiérer et d’actualiser sans dénaturer cette dernière pièce écrite par Tchekhov.

J’ai lu quelque part une très mauvaise critique du travail de Desgagnés dans je ne me souviens plus du journal et j’enrage de constater la mauvaise foi sûrement l’incompétence de cet auteur qui ne sait sûrement pas reconnaître les difficultés que propose Tchekhov. À vrai dire, on réussit rarement à bien jouer Tchekhov. Il y a de quoi se casser les dents. Je me souviens d’un monumental four au Rideau Vert il y a une dizaine d’année. D’un ennui mortel. Il n’y a que le théâtre de l’Opsis et évidemment Serge Denoncourt ainsi que Yves Desgagnés qui ont réussi à bien monter Tchekhov durant les dernières années.

La comédienne Andrée Lachapelle m’avait dit avant d’aborder le célèbre dramaturge russe : « Jouer du Tchekhov, c’est comme marcher sur des œufs, constamment». Et cette grade comédienne a beaucoup joué du Tchekhov. Beaucoup. Il y a dans les textes tant d’intentions, de passions, d’analyses, d’explosions et de détresse sans qu’il n’y paraisse. Imaginez le travail de l’acteur qui doit livrer le sous-texte. Et je pense évidemment à Gérard Poirier qui a magistralement rendu le personnage du vieux Firs. Jean Gascon a déjà interprété ce rôle. J’ai déjà vu une production belge de La Cerisaie où ce personnage était interprété par une marionnette géante que le marionnettiste laisse tomber à la fin du spectacle. Poirier a lui aussi, bien compris la décadence du personnage en traînant les pieds et tout son corps accablé.
J’ai beaucoup aimé aussi Pierre Colin en Pichtchik, ce russe fêtard, buveur, danseur ainsi que Normand D’Amour, férocement entrepreneur, magouilleur quasiment capitaliste dans cette Russie au bord de la révolution de 1907.

Le tableau de ce bouillonnement des idées est saisissant dans ce portrait de Tchekhov fort bien rendu par Desgagnés qui a réussi à se dégager de l’ennui dans une pièce qui traite de … l’ennui de la bourgeoisie et des profiteurs d’une autre époque.

Humour
Dans cette fricassée, il y en a aussi pour l’humour. Après Daniel Lemire, c’est du grand de stature, Martin Petit, dont il sera question. Je suis allé le voir à reculons et je ne l’ai pas regretté. Parce que la proposition de Petit est claire et sans ambiguïté. Il s’adresse à un jeune auditoire, parle de la vie, du cul, du couple, de sa taille, des excréments, de l’actualité et tout, tout. Tout. C’est assez loin du théâtre, j’en conviens. À vrai dire c’est du vrai stand-up comic et ça cartonne comme disent les Français. Il est tout ce que n’est pas Daniel Lemire, c’est à dire, vif, rapide, punché avec des blagues à l’emporte pièce. Le contenant est impressionnant. Le contenu, c’est beaucoup moins fort. Disons que ce n’est pas Guy Nantel…

Sylvie Drapeau
Très mauvaise nouvelle, le producteur et comédien Jean-Bernard Hébert m’apprenait que la comédienne Sylvie Drapeau n’interprétera pas, en fait elle n’interprétera plus le personnage de Édith Piaf dans la fameuse production Piaf présentée l’été dernier au Théâtre de Rougemont et actuellement en tournée au Québec. La consolation, c’est que Dominique Leduc, qui jouait le rôle de Momone, remplacera avec beaucoup de talent Sylvie qui est au grand repos pendant une période de six mois. Je crois que la grande comédienne est allée au bout de ses forces…

Gilles Dessureault
L’homme qui est derrière le succès de Belles-Sœurs, la comédie musicale qui a triomphé à Joliette l’été dernier, est de retour, à la direction d’un théâtre mais pas à Joliette. Celui que plusieurs considèrent comme l’un des meilleurs diffuseurs au Québec (et je suis l’un de ceux-là), Gilles Dessureault a séché pendant une bonne année avant qu’on ne lui fasse signe à Victoriaville. Regardez bien comment il va transformer le théâtre à Victo!

jeudi 7 octobre 2010

LEMIRE AU RALENTI


SÛREMENT PAS ÉGAL À LUI-MÊME

On s’étonnera peut-être de retrouver la critique du spectacle d’un humoriste à l’intérieur de ce blogue d’un Théâtre à cœur. Il n’y a pas méprise, je considère le spectacle de Daniel Lemire comme une prestation théâtrale, tenant compte qu’il s’agit d’une performance de comédien interprétant des personnages dans un décor, entouré d’autres comédiens. Pas étonnant de voir autant d’humoristes jouer dans des séries dramatiques parce qu’un spectacle d’humour est à mon avis une pièce de théâtre que l’artiste doit préparer comme s’il s’agissait d’une soirée de théâtre avec un texte solide, serré qu’il doit défendre pendant deux ou trois heures. J’ai un tas d’exemples en tête mais j’en retiens un qui illustre exactement ma pensée. Celui du magnifique Michel Boujenah, présenté régulièrement au Festival Juste pour rire à titre d’humoriste. Écoutez-le et dites-moi si c’est vraiment drôle à se rouler par terre. Mais non! on sourit, on se laisse entraîner par une histoire et on se berce dans la poésie de ses personnages. Vous voyez! La ligne est mince et en fait, elle n’existe pas. Stéphane Rousseau, Jean-Michel Anctil, Lise Dion, Yvon Deschamps et Clémence, Martin Matte : c’est du théâtre.

Daniel Lemire c’est aussi du théâtre. Je devrais dire que c’est surtout du théâtre. Il a commencé sa carrière avec des personnages. C’était au Club Soda et il jouait le rôle de Yvon Travaillé, un fonctionnaire borné et simplet vêtu d’un horrible complet à carreaux. Il a créé par la suite, une foule d’autres personnages qui ont toujours obtenu du succès. Je pense à son impayable crooner, à son guitariste drogué Roney, oncle Georges évidemment, ou cet ex-fumeur enragé qui n’avait pas vraiment d’identité et d’autres personnages occasionnels.

Daniel Lemire semble s’être lassé de tout ce petit monde qu’il avait créé sur scène et a fait bien d’autres choses que de faire rire pendant un certain temps, en écrivant beaucoup et en jouant même dans une série dramatique à la télé. Après presque dix ans d’absence, il est revenu sur les planches avec un nouveau spectacle qu’il présentera dans les grandes villes du Québec et à Montréal au Monument National. J’ai vu la première de ce spectacle dans ce Monumental National si chaleureux, si hospitalier. Il fallait qu’il le soit en ce grand soir de première avec autant de personnalités qui ont traversé un véritable déluge alors qu’une tempête sévissait sur Montréal. C’est donc trempé jusqu’aux os que j’ai vu Lemire présenter le pire spectacle de sa carrière. Et je les ai tous vus et tous aimés. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait sur scène. C’était lent, prévisible, lourd et Lemire me semblait tout à fait absent. Il a même laissé les deux comédiens qui l’entouraient, prendre à plusieurs reprises, plus de place que lui. Surtout dans le sketch de l’oncle Georges. Un sketch complètement raté à mon avis et qui pourtant ouvrait la porte à de nombreuses possibilités comiques. Imaginez! L’oncle Georges engagé comme clown chez les vieux. Il aurait pu chercher les vieux dans la salles, leur demander leur chèque de pension de vieillesse, les menacer physiquement (en référence aux mauvais traitements dans certaines maisons d’accueil). Mais non, ce sont les deux faux vieux que les comédiens interprètent qui se démènent pendant le numéro. Roney est toujours aussi vaporeux si je puis dire mais pas trop renouvelé. Un bon numéro sur la météo, peut-être le seul de la soirée à part la revue de l’actualité où le comédien se réchauffe et laisse entrevoir une belle soirée. Ce qui ne fut pas le cas et je le dis avec beaucoup de tristesse. Parce que j’aime beaucoup Daniel Lemire. Et remarquez bien une chose : on exige toujours plus des artistes qu’on aime. Daniel Lemire n’a jamais eu besoin de parler de cul, de sacrer, d’attaquer qui que ce soit pour amuser les foules. Il a gagné l’estime des gens et leur admiration par son talent. Il est de la lignée de Yvon Deschamps.Et à bien y penser, l’humour est un art si complexe, si fragile qu’il suffit de bien peu de choses pour tout changer. Dans ce cas-ci, un peu plus de vitesse, un peu moins de trac, un peu plus de présence et éliminer certains numéros comme celui qui se déroule dans le grand nord et qui n’a provoqué aucun rire dans la salle. C’est pour ça que je ne vous déconseille pas d’ignorer ce spectacle. Les comédies ne sont pas toujours réussies les soirs de première. Parfois, il faut y mettre un peu plus de temps. Je parierais que cette …œuvre théâtrale aura changé dans quelques semaines.

lundi 20 septembre 2010

De l'audace chez Duceppe



A PRÉSENT POUR COMMENCER L’ANNÉE

Le Théâtre à cœur c’est tout simplement le théâtre que j’aime, qui me tient à cœur et que je visite avec émotion. Le théâtre est à mon avis, une affaire de cœur. Je ne crois pas au théâtre cérébral, aux thèses défendues sur scènes, aux propos hermétiques, à la contemplation de soi et des autres, à l’auto-édification et aux manifestations du savoir. Je crois plutôt à l’universalité d’un théâtre de cœur qui vient nous chercher dans tout ce que nous sommes. C’est pour ça que c’est à grands coups de cœur que j’irai vivre et partager avec vous les grands moments du théâtre et c’est à contre-cœur que je vous inciterai à passer votre chemin dans certains cas et à aller voir ailleurs.

C’est avec un premier coup de cœur que je débute cette nouvelle saison avec À présent de Catherine-Anne Toupin, à l’affiche chez Duceppe jusqu’au 16 octobre. Je sais bien que cette pièce a déjà été encensée par la critique et qu’à peu près tout le monde en a dit le plus grand bien puisque ce prodigieux thriller a été créé à la Licorne en janvier 2008. Bon! Parfait pour les critiques et les gens du milieu. C’est maintenant au vrai monde que je m’adresse. À ceux qui vont rarement au théâtre et qui préfèrent les grandes salles et le confort d’une salle comme celui de la salle Maisonneuve où la compagnie Jean-Duceppe s’est installée. À présent est une pièce qui devrait rejoindre tous les publics parce que l’œuvre est difficile à étiqueter. Je parlais d’un thriller tantôt mais en réalité c’est plus que ça, c’est un grand voyage dans l’imaginaire, dans le temps et dans la conscience dans le but de trouver rien qu’une chose : la vérité. Et la vérité, ce n’est pas ce que l’on pense.

Aussi bien vous dire tout de suite que le spectacle est déroutant. Deux couples se croisent dans un building. Catherine-Anne Toupin qui interprète également le rôle principal (Alice) dans cette pièce, forme un couple fragile avec David Savard (Benoît). Tout près d’eux, Monique Miller (Juliette) et François Tassé (Gilles) forment un couple beaucoup plus détendu, plus libre et surtout plus leste. Ce vieux couple partage encore leur appartement avec leur fils de 35 ans (François) interprété par Éric Bernier. Quand tous ces personnages se rencontrent lors d’une soirée chez Alice et Benoît, il y a de l’électricité dans l’air…Je dirais même un peu plus que ça. Disons de la sensualité qui coule rapidement dans un abîme de perversions. Personne n’appartient à personne et tous les goûts sont permis. Attention! On ne parle pas de porno et de scènes croustillantes ici. Non! on saute tout simplement les clôtures et les couples changent de partenaires, changent d’identité dirait-on et le désir semble dominer tous les autres sentiments. Il n’y a plus de règles, il n’y a pas de violence, il n’y a plus de morale qui tienne et on cherche la logique de l’histoire et des personnages. Il n’y en a plus.

Les comédiens sont merveilleux alors qu’ils jouent constamment sur une corde raide. Ils se tiennent debout en évoluant sur le fantasme que l’on soupçonne et la réalité…que l’on soupçonne également. On ne sait plus sur quel tableau cette pièce se joue et c’est sur le bout de son siège qu’on assiste à ce dénouement imprévisible et tout aussi déroutant.

C’est à voir non seulement pour la qualité du spectacle mais pour apprendre à vous connaître et surtout à connaître la ou les personnes qui vous accompagnent.
RÉSERVATIONS : 514-842-2112 OU 1 800 842 2112.
Note : Si vous avez moins de 40 ans, vous payez le prix qui correspond à votre âge (minimum de 20 ans)

mercredi 25 août 2010

Le premier choix de l'été: Belles-Soeurs


Il faut les voir, les entendre pour le croire.

Je voudrais clore cette tournée des théâtres en été avec ce que j’ai vu de mieux. Plus précisément, mon meilleur des meilleurs en été, mon best of : le théâtre musical Belles-Sœurs d’après Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, livret, paroles et mise en scène de René Richard Cyr avec la fascinante musique de Daniel Bélanger.

On regarde ce spectacle présenté à la salle Rolland-Brunelle à Joliette, avec stupéfaction pendant un bon moment avant de prendre du recul et tenter d’en faire la critique. Peine perdue, j’abandonne. Pas question de gâter mon plaisir et de m’efforcer de réduire l’œuvre et de la décortiquer bêtement parce que l’ensemble est éblouissant. Et pourtant j’ai un tas de versions des Belles-Sœurs dont l’une présentée à Stratford, en anglais s’il vous plaît et une digne Ontarienne pleurait tout près de moi pendant le fameux monologue de cette pauvre belle-sœur qui découvrait le plaisir des cabarets à 50 ans. Cette pièce qui a été snobée par bon nombre d’intellectuels à sa création au Rideau Vert dans les années 60, a fait le tour du monde par la suite. On a fini par comprendre que chaque peuple parle joual sur la planète et que Les Belles-Sœurs touchait l’âme et la misère du peuple et de tous les peuples.

Il faut croire que ce chef-d’œuvre de Michel Tremblay ne quittera pas la scène de sitôt puisque le théâtre musical qu’en a fait le comédien et metteur en scène René Richard Cyr, relance ces fameuses belles-sœurs sur la voie de la musique. Et personne n’aurait parié que ce nouveau ménage soit parfait. Le musicien Daniel Bélanger a compris, senti les personnages de la pièce comme s’il était comédien. Il s’est glissé dans tous les personnages et en a tiré de la musique.

Et que dire des comédiennes qui interprètent les compositions de Bélanger? Je n’ai jamais entendu un comédien ou une comédienne mal chanter au Québec. Dans ce cas-ci, on entend les voix exceptionnelles de Maude Guérin, Monique Richard, Sylvie Ferlatte et la surprenante Guylaine Tremblay qui maîtrise la chanson comme si elle faisait son métier en ajoutant Marie-Thérèse Fortin, Christiane Proulx et toutes les autres finalement.

Difficile à décrire le décor alors que l’action se déroule dans une cuisine qui se transforme continuellement. On assiste à des effets visuels à couper le souffle. Et puis, il n’y a jamais de longueurs, jamais de banalités, jamais de cabotinages dans cet étonnant spectacle. Tout est réglé au quart de tour par René Richard Cyr qui a créé une oeuvre mémorable. On retrouve Les Belles-Sœurs que l’on connaît avec l’histoire du million de coupons qu’elles collent dans la cuisine de Germaine Lauzon avec rage et jalousie mais Belles-Sœurs est un spectacle avec une autre énergie, une autre sensibilité et la magie de la musique qui lui donne une autre vie.

C’est évidemment mon premier choix de l’été. Piaf, à cause de la magistrale performance de Sylvie Drapeau, suit de près en deuxième position. En troisième position, j’en surprendrai quelques uns avec le choix de Mars et Vénus. Une mention honorable à Visite libre et à Michel Charrette qui entreprendra une tournée avec cette pièce dans tout le Québec jusqu’en mars prochain. Belles-Sœurs fera aussi une longue tournée qui n’en finira pas, vous verrez bien.

Merci à tous ceux qui ont eu l’élégance et la politesse de m’inviter cet été. Vous m’avez prouvé qu’il y a autant de talents que de générosité dans les théâtres des régions du Québec. Merci d’avoir pris l’habitude de me lire. Ce que je considère comme un honneur. Pour moi, l’expérience a été enrichissante, je dirais même nécessaire et je vais la poursuivre, toujours en quête de théâtre. Une passion dont on ne peut se défaire. Et c’est la grâce que je vous souhaite.

jeudi 19 août 2010

Du théâtre essouflé à l'Assomption



UNE SACRÉE FAMILLE… ENNUYANTE

Dommage que ça ne lève pas au Théâtre Hector-Charland. Dommage pour les comédiens qui ont si peu de matière à jouer, à défendre. Sacré famille, une comédie du Canadien Carl Ritchie a vieilli bien vite et ne suscite auprès du public québécois bien peu d’intérêt si j’en juge par la réaction des gens que j’ai vus dans la salle. Un homme aux idées obtus pour ne pas dire un étroit d’esprit qui est répudié par sa femme parce qu’il l’a trompée et qui par la suite, n’accepte pas l’homosexualité de son fils, me semble au départ assez confondant.On est de droite ou on ne l’est pas. On est vertueux ou on ne l’est pas. J’aurais toujours pu apprécier les échanges sur le sujet dans le cadres des dialogues de la pièce mais ils étaient tellement creux, fades, insignifiants et tissés de clichés qu’il y avait lieu de dormir. Ce que je fus tenté de faire à plusieurs reprises.

Tout allait de travers dans cette pièce en commençant par la distribution des comédiens. Jici Lauzon n’a pas la carrure ni l’autorité sur scène pour interpréter le père réactionnaire. C’est un rôle qui demande du coffre, du poids, de l’expérience. Lauzon n’est pas un mauvais comédien mais il n’a pas encore l’étoffe pour traîner tout un spectacle sur son dos. Nathalie Gascon, au contraire, a trop d’étoffe pour se contenter du rôle assez passif de la mère. Beau gaspillage. Luc Chapedelaine prend tranquillement du gallon et joue sympathiquement, sans plus. Stéphanie Crête-Blais, Benoît Langlais et Jean-François Beaupré jouent avec enthousiasme avec un talent prometteur mais personne n’a participé à un spectacle qui fera époque.

C’est dommage aussi pour l’Assomption et ce merveilleux Théâtre Hector-Charland, l’une de mes destinations préférées en été. C’est un théâtre qui a fortement encouragé l’artisanat local durant les dernières années et Dieu sait qu’il y a de la création à l’Assomption. Les restos, les boutiques, les cafés, les spectacles musicaux sont extrêmement attirants dans cette ville qui abrite le prestigieux Collège de l’Assomption. C’est justement là qu’on présente à chaque année, Les Rendez-vous amoureux, des spectacles-lectures des plus grandes oeuvres du théâtre de répertoire avec des comédiens du calibre de Béatrice Picard, Sophie Faucher, Pierre Chagnon et Yves Corbeil pour ne nommer que ceux-là. J’y est passé de magnifiques soirées au clair de lune, au préau du Collège de l’Assomption. Je sais bien que les dernières lectures ont eu lieu en juillet dernier mais pensez-y pour l’année prochaine et prévoyez y retourner à quelques reprises. Parce qu’il y a toute une ville, toute une région à découvrir. On y fabrique même du vin, de l’excellent vin près de l’Île Ronde, si je me souviens bien. En somme, un site qui mériterait bien du théâtre d’envergure. C’est ce que je nous souhaite pour l’an prochain et qu’on nous ramène Nathalie Gascon qui n’est jamais aussi épanouie qu’à l’Assomption.