
J’étais triste au Théâtre des Marguerites, à Trois-Rivières. Non seulement parce que la route était longue sous la pluie et même l’orage mais surtout parce que la pièce qu’on y présentait, 10-4 de Paul Slade Smith, m’a ennuyé profondément. Jamais je n’ai cru aux personnages et à cette histoire de deux policiers qui enquêtent sur une fraude de $16 millions qu’aurait orchestré le maire de leur municipalité. C’est aussi gros et aussi peu nuancé que les histoires du pirate Maboule dans le temps à la télévision de Radio-Canada.
Dommage parce que le théâtre des Marguerites mérite mieux. Dommage parce que la famille Bergeron mérite mieux. Pour ceux qui ne serait pas au courant, c’est Reynald Bergeron qui a vendu ce théâtre, il y a quelques années à ses fils Mathieu et Vincent ainsi qu’à Stéphane Bellavance. Ces trois jeunes hommes ont accompli un travail colossal dans ce qui a déjà été l’un des théâtres les plus populaires dans tout le Québec. Il ne faut pas oublier que le Théâtre des Marguerites a été fondé et dirigé par Georges Carrère et Mariette Duval et qu’on y a présenté du grand théâtre depuis 1967. Carrère ne s’est résigné à vendre son théâtre uniquement que pour des raisons de santé. Reynald Bergeron a acheté le théâtre et a vendu, à des conditions très favorables j’imagine, un théâtre qui a une longue histoire derrière lui.
Les fils Bergeron m’ont enchanté durant les dernières années par leur travail. Autant au niveau de la création sur scène que de la rénovation du théâtre. Soulignons aussi la contribution de la famille Bellavance qui a investi temps et argent dans le rafraîchissement de cette vieille grange qui commençait à plier sous le poids de l’âge. Les jeunes producteurs ont mis par la suite autant d’énergie à rajeunir, à rafraîchir le théâtre en été. Et c’est justement ce que le théâtre avait grandement besoin en été. Avec Adieu beauté, Entre-deux, C ‘est devenu gros, Notre amour est trop lourd, ils ont rallié un jeune public qui avait déserté le théâtre en été, depuis un bon moment déjà.
Je pensais à toutes ces belles années, en regardant 10-4, une comédie policière qui ose nous faire croire qu’il existe une mafia acadienne qui terrorise les villes du Québec. Ouf! Moi j’aime bien Robert Brouillette qui se démène dans cette farce insipide tout comme Isabelle Cyr d’ailleurs. Oublions tout le reste dont le décor, l’histoire et la mise en scène de Olivier Aubin. Celui-ci a pourtant signé un excellent spectacle à Sorel avec Sous-sol à louer.
Je ne connais pas toutes les intentions et surtout pas la situation financière des jeunes propriétaires du Théâtre des Marguerites mais il me semble évident qu’ils ont tenté de rejoindre un plus grand public avec 10-4 qui ne pèche pas par excès de subtilité. C’est une erreur à mon avis parce qu’ils risquent de perdre ainsi la fidélité des spectateurs et la marque, pour ne pas dire la griffe de l’entreprise. Je sais bien qu’on peut parler d’un accident de parcours, d’une mauvaise année après plusieurs belles réussites. Et voilà le drame qui secoue et ruine plusieurs théâtres en été. Il n’y a pratiquement pas de marge de manœuvre au théâtre en été. On ne peut se permettre de perdre des revenus pendant une trop longue période. Une mauvaise saison amène de graves problèmes financiers, une deuxième est habituellement catastrophique. Non seulement les gens de théâtre se plaignent quand les choses vont moins bien mais les commerces autour en subissent les conséquences. Quand tout va, tout le monde s’engraisse. Quand tout va mal, on ne s’engraisse pas mais c’est le théâtre qui paye. Que font les conseils de ville, les commanditaires? Rien d’autre que de constater les dégâts ou de laisser mourir un théâtre. Quand la ville de Trois-Rivières décidera-t-elle d’appuyer, de participer financièrement, à la rénovation d’un des plus vieux théâtres en été du Québec? Est-ce trop demander? Regardez donc ce qu’on a réalisé à l’Assomption et à Terrebonne. Les théâtres Hector-Charland et celui du Vieux Terrebonne, messieurs les fonctionnaires.